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16/03/2013

Télémaque (15)

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Source : http://ulyssesseen.com

Ici, Mulligan souffle le chaud et le froid sans ménagement pour Stephen. Il se montre tour à tour généreux et condescendant, admiratif et incroyablement méprisant, charmant et insupportable.

Ce qui me frappe en lisant ce passage, c'est le jeu subtil de Mulligan jouant les grands seigneurs avec Stephen. Le terme de "factotum" peut être interprété de différentes manières, comme on le verra encore mieux dans l'épisode Protée, mais il signifie à tout le moins "sous-fifre" voire "larbin" (NDT : notons aussi le jeu de mots entre "dogsbody" et "God's body", par allusion à l'Eucharistie dont une parodie inaugure le roman). Mulligan taquine aussi Stephen avec ses pantalons de "seconde jambe" (NTD : de seconde main, d'occasion), son sens déplacé du protocole, allant jusqu'à lui faire don de ses propres vieux vêtements. On apprendra un peu plus loin qu'il porte déjà les bottes de Mulligan. ("Poxy bowsy" est répertorié dans le glossaire de Gifford, et désigne à l'origine les petits voyous).

Stephen insiste assez lourdement sur le fait qu'il ne peut porter de pantalons gris. Le glossaire de Gifford est très utile pour le comprendre : comme pour beaucoup d'autres entrées, il nous "rappelle" des choses que nous ne savons pas encore, comme par exemple que la mère de Stephen est morte le 23 juin 1903, soit presque un an avant... bien qu'il nous faudra encore parcourir une centaine de pages pour découvrir que nous sommes le 16 juin 1904. Gifford observe que, selon les plus strictes règles du deuil de l'époque victorienne, un fils ne doit porter que du noir pendant un an après la mort de sa mère, ainsi Stephen se trouve-t-il dans cette période de deuil. Mulligan ironise sur le respect scrupuleux de ce protocole vestimentaire par Stephen, face au traitement cruel qu'il a infligé à sa mère, mais cela ne nous rend pas Mulligan plus sympathique pour autant.

Petit détail : si vous suivez le texte dans la version éditée chez Gabler, vous constaterez que plusieurs paroles prononcées par Mulligan sont suivies d'un point d'exclamation (larbin ! dément ! affreux barde !). Ce qui fait de lui un type assez braillard. Les points d'exclamation apparaissent dans le manuscrit du musée Rosenbach mais pas dans l'édition de 1922. Or, c'est celle-ci que nous utilisons. Ajoutez-les si cela vous chante.

Petit compliment : Rob, j'aime le jeu du miroir manipulé par Mulligan.

Et maintenant, dites-moi :

1. Nous nous sommes demandé à quoi devait ressembler le miroir. Quelqu'un a-t-il une idée de l'aspect d'un miroir fêlé appartenant à un domestique ? Merci de nous proposer un lien vers une image.

2. Au sujet de ce larbin : en quoi cela importe-t-il, étant donné les sujets abordés dans ce chapitre, que Mulligan parle de l'apparence physique de Stephen ?

3. Pourquoi est-il si important que Stephen mette tant de zèle à respecter le protocole de deuil ? Pourriez-vous répondre à cette question en établissant un parallèle avec Hamlet ou L'Odyssée ?

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