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28/10/2013

Télémaque (19)

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source : http://ulyssesseen.com

Stephen s'est plaint à Mulligan de leur visiteur, Haines, et Mulligan a menacé de s'en prendre assez violemment à celui-ci s'il venait à recommencer. Ceci a déclenché chez Stephen une série de pensées où Mulligan bizute, de manière réelle ou imaginaire, un certain Clive Kempthorpe, impliquant au moins la menace de le châtrer.

De là, l'esprit de Mulligan passe aux prétentions culturelles de Mulligan d'instaurer un néopaganisme dans la tour, de créer un nouveau rite en se servant de la tour comme "omphalos". Face à la finesse d'analyse de Stephen, Mulligan se révèle être un intellectuel superficiel sous lequel affleure un tyran. Stephen décide d'en finir avec sa fausse amitié pour Mulligan.

"Omphalos" est un mot grec signifiant "ombilic" ou "centre", employé pour désigner des endroits tels que Delphes comme le centre du monde et un point de communication entre les dieux et les hommes. Plus particulièrement, il s'agissait d'une pierre sculptée. Laquelle, évidemment, présente plus qu'une vague ressemblance avec notre tour Martello.

27/10/2013

Télémaque (18)

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source : http://ulyssesseen.com

Mulligan voit bien qu'il est allé trop loin dans sa mise en boîte et dans sa condescendance - plus particulièrement, il a conscience qu'aussi débraillé et déprimé que semble Stephen maintenant, ce dernier a un énorme potentiel d'écrivain, au moins comme auteur d'épigrammes, et il veut se trouver du bon côté de cette force. Il suppose que Stephen pourrait peut-être obtenir de l'argent de Haines avec l'idée du "miroir fêlé de larbin", et il tente d'enrôler Stephen dans son programme d'"hellénisation" de l'Irlande (la transformation de Mulligan en Apollon par Rob permet d'apprécier ce que le format de la bande dessinée rend possible à partir du roman).

Que signifierait "helléniser" l'Irlande ? Quelques pages plus haut, j'ai évoqué la crise d'identité irlandaise au tournant du siècle : devait-elle se tourner vers son passé historique pour sa richesse culturelle ? devait-elle accepter son rôle de capitale britannique ? L'intérêt de Mulligan pour les Grecs (profitez-en pour marmonner vos insinuations maintenant) suggère celui pour la démocratie, mais une démocratie d'aristocrates, avec une culture urbaine et dynamique, enracinée dans l'Antiquité. Ça n'a pas l'air si mal. Les modernistes étaient fascinés par le monde classique - après tout, nous sommes en train de lire un livre descendant de la principale histoire de l'ancienne Grèce. L'un des facteurs intellectuels significatifs pour la promotion du modernisme dans les arts fut la découverte du véritable site de Troie en 1870 (ainsi "L'Iliade" s'est elle révélée fondée sur un endroit réel et une vraie guerre ! dingue !).

Alors pourquoi Stephen n'est-il pas intéressé ? Parce qu'il s'agit de toujours regarder en arrière ? Parce qu'il y subsiste trop de pouvoir étatique ? Parce que c'est basé sur des institutions aristocratiques et dirigées par une seule classe ? Il est notoire que Joyce pensait que la forme de gouvernement la plus
supportable à vivre était celle d'un empire décadent et inefficace, parce que non-ingérent dans sa vie et dans son œuvre. Dans sa pièce de 1918 "Exils", le personnage Robert Hand dit : "Si l'Irlande doit devenir une nouvelle Irlande, elle devra d'abord devenir européenne." Robert Hand est en partie inspiré de Gogarty et son propos ne doit pas être nécessairement pris pour le propre avis de Joyce ou celui de Stephen Dedalus, mais cela dessine les contours des idées ici à l'œuvre. En bref, que doit devenir l'Irlande pour être un pays nouveau et indépendant ?

Dans la dernière vignette de cette planche, on voit se matérialiser un moment de réflexion intérieure de Stephen, tout comme quelques pages plus haut quand il pensait à sa mère. L'allusion de Mulligan au "bizutage" de Clive Kempthorpe est obscure, mais l'interprétation de Rob nous en donne une idée. Alors qu'en est-il de toute cette menace à caractère sexuel ?

22/04/2013

Télémaque (17)

littérature,roman,illustration,irlande,dublin,james joyce,ulysse
Source : http://ulyssesseen.com

L'essentiel de ce qu'il faut savoir de Mulligan est résumé dans ce bref échange. C'est le genre de type capable de voler un miroir cassé à une domestique de sa tante, pour se moquer ensuite de la laideur de la servante (NDT : en la traitant de Caliban). Joyce nous a déjà montré de tels énergumènes dans sa nouvelle des Deux galants (NDT : cf. Gens de Dublin) avec les personnages de Lenehan et Corley, qui figurent aussi dans Ulysse.

Les propos de Mulligan citant la "rage de Caliban" sont tirés d'Oscar Wilde qui, dans la préface au Portrait de Dorian Gray, dit que "la répulsion du dix-neuvième siècle pour le réalisme est semblable à la colère de Caliban à la vue de son visage dans une glace. La détestation du dix-neuvième siècle envers le romantisme est celle de Caliban ne reconnaissant pas sa propre face dans un miroir." Il est intéressant que cela suive un moment de questionnement intérieur où Stephen ne se reconnaît pas lui-même, ou plus exactement où il se demande "qui a choisi ce visage pour moi ?"

Quant à Ursula, c'est une célèbre pucelle, chef des "onze mille vierges" et probablement apocryphe. Son nom signifie "petite ourse".