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11/10/2015

Télémaque (31)

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source : http://ulyssesseen.com

Cette page m’a fait sourire, quand je l’ai vue pour la première fois. Il ne s’y passe pas grand chose, mais elle donne à voir un passage du roman que je me m’étais jamais vraiment représenté visuellement, même après avoir maintes fois relu ce chapitre. Le dessin de Rob accentue la façon dont on passe de la clarté extérieure de la scène précédente, à un intérieur sombre et enfumé, contraste peu évident dans le texte. Ceux qui ont visité le musée James Joyce de Sandycove pourront témoigner de l’étroitesse et de l’obscurité de la tour, mais le dessin de Rob vous économise le voyage. Tout en suivant ce mouvement, on restera attentif aux propos et aux pensées des personnages, différents, à l’intérieur de la tour, de ce qu’ils étaient à l’extérieur.

L’échange à propos de la clef est aussi révélateur : Mulligan dit à Haines d’ouvrir la porte et que Stephen en détient la clef, alors qu’elle se trouve sans la serrure. Pourquoi est-ce Haines qui ouvre la porte ?

10/07/2015

Télémaque (30)

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source : http://ulyssesseen.com

Dans les quelque pages précédentes, il a beaucoup été question du contexte de la relation entre Mulligan et Stephen, et d’événements antérieurs. Ici, nous avons une idée plus claire de la nature de leurs rapports actuels. Stephen a un emploi et touche un revenu. Plus particulièrement, Mulligan pense qu’il a trouvé un moyen de tirer profit du talent satirique de Stephen. Et Stephen se voit lui-même comme le "serviteur d'un domestique".

Les sentiments de Stephen sont très familiers à quiconque a eu affaire à un colocataire négligent – dois-je nettoyer derrière cet abruti ? ou bien dois-je laisser le bol là où il est ? – mais Mulligan a déjà révélé son jeu, et aux yeux de Stephen, cela va plus loin que de simples mauvaises manières. C’est aussi une façon concise de remettre Stephen en perspective dans le rôle de Télémaque : les prétendants mettent le bazar et prennent son argent, et il ne peut rien y faire.

Pour ce qui est de l’argent, nous apprendrons sous peu que Stephen est payé un peu moins de 4 livres, ici appelées “quids”. Sans en avoir l’air, ce n’est pas une petite somme. Songez que l'on pouvait s’offrir une pinte de bière pour 2 pennies (ou 2 pence) en 1904 à Dublin. Il y avait 240 pence dans une livre ancienne. On pouvait donc payer 120 pintes avec une livre. En 2008, dans notre bonne ville de Philadelphie, une pinte de bière vous coûtera de 2 à 6 dollars, disons 4. Ainsi, si on prend la bière comme référence, une livre de 1904 vaudrait environ 480 de nos actuels dollars américains. Certes, les économistes et autres pinailleurs de votre entourage vous rappelleront qu’à cette époque, le prix de la bière avait été maintenu artificiellement bas, et que c’est une comparaison à la noix… mais si on estime à la louche que 1 penny d’alors vaut 1 dollar actuel, on n’est pas loin du compte. Mulligan réclame donc une assez belle somme.

03/05/2015

Télémaque (29)

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source : http://ulyssesseen.com

Mulligan appelle Stephen de l'intérieur de la tour, le tirant de ses rétrospections sur sa mère.

Il demande à Stephen de descendre "en bon baguenaudeur". Dans son Ulysse annoté, Gifford analyse ce terme comme "quelqu'un qui se meut lentement ou d'un pas traînant". Mais j'y trouve aussi une forte allusion à Moïse. Plus tard dans la journée, Stephen pensera à Moïse et à sa vision au sommet du Pisgah, lorsqu'il racontera une "parabole des prunes" enracinée dans le Dublin moderne.

La façon dont Robert représente cet instant, sur fond d'un vaste horizon lointain, contraste fortement avec les visions claustrophobiques de Stephen sur son passé. Une grande étendue s'offre au regard de Stephen - une vue jusqu'en Grande-Bretagne et au-delà, jusqu'en Europe continentale -, mais il en est arraché par le lien qui l'attache à Mulligan, aussi bien que par le passé qui le hante.