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22/04/2013

Télémaque (17)

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Source : http://ulyssesseen.com

L'essentiel de ce qu'il faut savoir de Mulligan est résumé dans ce bref échange. C'est le genre de type capable de voler un miroir cassé à une domestique de sa tante, pour se moquer ensuite de la laideur de la servante (NDT : en la traitant de Caliban). Joyce nous a déjà montré de tels énergumènes dans sa nouvelle des Deux galants (NDT : cf. Gens de Dublin) avec les personnages de Lenehan et Corley, qui figurent aussi dans Ulysse.

Les propos de Mulligan citant la "rage de Caliban" sont tirés d'Oscar Wilde qui, dans la préface au Portrait de Dorian Gray, dit que "la répulsion du dix-neuvième siècle pour le réalisme est semblable à la colère de Caliban à la vue de son visage dans une glace. La détestation du dix-neuvième siècle envers le romantisme est celle de Caliban ne reconnaissant pas sa propre face dans un miroir." Il est intéressant que cela suive un moment de questionnement intérieur où Stephen ne se reconnaît pas lui-même, ou plus exactement où il se demande "qui a choisi ce visage pour moi ?"

Quant à Ursula, c'est une célèbre pucelle, chef des "onze mille vierges" et probablement apocryphe. Son nom signifie "petite ourse".

01/04/2013

Télémaque (16)

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Source : http://ulyssesseen.com

"Qui a choisi ce visage pour moi ?"

Bonne question, qui nous renvoie aux souvenirs que Stephen a de sa mère, à l'image de la baie, au rasoir. Stephen lance une question métaphysique sur ses origines, mais il réfléchit aussi à son identité : est-ce le visage de sa mère, de son père ? a-t-il une tête d'Irlandais, de catholique, de poète ?

L'une des possibles grilles de lecture d'Ulysse est la quête d'identité, ou la façon dont les gens se définissent eux-mêmes. Quelques-uns des personnages les plus médiocres de ce livre savent intuitivement qui ils sont, tandis que parmi les meilleurs, certains n'en ont pas la moindre idée, à l'instar de Stephen.

Ce passage me fait penser à la chanson des Talking Heads "Seen and not seen" ["Vu et inaperçu"] : "Il verrait des visages dans des films, à la télé, dans des magazines et dans des livres..."

16/03/2013

Télémaque (15)

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Source : http://ulyssesseen.com

Ici, Mulligan souffle le chaud et le froid sans ménagement pour Stephen. Il se montre tour à tour généreux et condescendant, admiratif et incroyablement méprisant, charmant et insupportable.

Ce qui me frappe en lisant ce passage, c'est le jeu subtil de Mulligan jouant les grands seigneurs avec Stephen. Le terme de "factotum" peut être interprété de différentes manières, comme on le verra encore mieux dans l'épisode Protée, mais il signifie à tout le moins "sous-fifre" voire "larbin" (NDT : notons aussi le jeu de mots entre "dogsbody" et "God's body", par allusion à l'Eucharistie dont une parodie inaugure le roman). Mulligan taquine aussi Stephen avec ses pantalons de "seconde jambe" (NTD : de seconde main, d'occasion), son sens déplacé du protocole, allant jusqu'à lui faire don de ses propres vieux vêtements. On apprendra un peu plus loin qu'il porte déjà les bottes de Mulligan. ("Poxy bowsy" est répertorié dans le glossaire de Gifford, et désigne à l'origine les petits voyous).

Stephen insiste assez lourdement sur le fait qu'il ne peut porter de pantalons gris. Le glossaire de Gifford est très utile pour le comprendre : comme pour beaucoup d'autres entrées, il nous "rappelle" des choses que nous ne savons pas encore, comme par exemple que la mère de Stephen est morte le 23 juin 1903, soit presque un an avant... bien qu'il nous faudra encore parcourir une centaine de pages pour découvrir que nous sommes le 16 juin 1904. Gifford observe que, selon les plus strictes règles du deuil de l'époque victorienne, un fils ne doit porter que du noir pendant un an après la mort de sa mère, ainsi Stephen se trouve-t-il dans cette période de deuil. Mulligan ironise sur le respect scrupuleux de ce protocole vestimentaire par Stephen, face au traitement cruel qu'il a infligé à sa mère, mais cela ne nous rend pas Mulligan plus sympathique pour autant.

Petit détail : si vous suivez le texte dans la version éditée chez Gabler, vous constaterez que plusieurs paroles prononcées par Mulligan sont suivies d'un point d'exclamation (larbin ! dément ! affreux barde !). Ce qui fait de lui un type assez braillard. Les points d'exclamation apparaissent dans le manuscrit du musée Rosenbach mais pas dans l'édition de 1922. Or, c'est celle-ci que nous utilisons. Ajoutez-les si cela vous chante.

Petit compliment : Rob, j'aime le jeu du miroir manipulé par Mulligan.

Et maintenant, dites-moi :

1. Nous nous sommes demandé à quoi devait ressembler le miroir. Quelqu'un a-t-il une idée de l'aspect d'un miroir fêlé appartenant à un domestique ? Merci de nous proposer un lien vers une image.

2. Au sujet de ce larbin : en quoi cela importe-t-il, étant donné les sujets abordés dans ce chapitre, que Mulligan parle de l'apparence physique de Stephen ?

3. Pourquoi est-il si important que Stephen mette tant de zèle à respecter le protocole de deuil ? Pourriez-vous répondre à cette question en établissant un parallèle avec Hamlet ou L'Odyssée ?