Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/09/2014

Télémaque (28)

us_comic_tel_0028_16.jpg

source : http://ulyssesseen.com

Ici encore, on ne saurait expliquer ce qui se passe dans notre BD sans appauvrir ce que la BD montre elle-même dans cette planche. Stephen est rattrapé par son "cerveau en pleine rumination" (autre exemple du Principe d'Oncle Charles, puisque le mot "brooding" signifie "sombre, cafardeux", ce qui provient apparemment du narrateur, et que cela gouverne les pensées de Stephen dans cette scène). Stephen refait une immersion profonde dans le souvenir de la mort de sa mère, faisant remonter à la surface des images merveilleusement précises - tels ses ongles manucurés rougis par le sang de poux écrasés, etc.

La question est alors de savoir si le fait de voir Stephen comme un écrivain en train de lutter pour prendre possession de lui-même, nous permet de mieux le comprendre là, aux prises avec le souvenir de sa mère. L'ordre qu'il lui donne de le laisser tranquille et de le laisser vivre, a certainement du sens. J'imagine que Stephen est tiraillé entre la tendance de l'écrivain de consigner chaque souvenir d'elle en détail (presque dans le style d'une épiphanie), et sa terreur de faire ressurgir la culpabilité effrayante de sa mort, comme dans un film d'horreur.

Quant aux mots en latin, le professeur Gifford nous donne la traduction du missel Layman : "Sois entouré de la foule étincelante de tes intercesseurs immaculés comme le lys ; sois accueilli par le chœur glorieux des vierges" (NDT : traduit par nous). Il s'agit d'une prière pour les défunts, qui peut être prononcée (d'après le missel, selon Gifford) pour recommander le mourant à Dieu en l'absence d'un prêtre. C'est la prière que Stephen aurait dû faire, s'il avait prié (NDT : pour sa mère).

21/09/2014

Télémaque (27)

us_comic_tel_0026_16.jpg

source : http://ulyssesseen.com

Le "flashback" continue. Stephen pense à sa mère, à la chambre de celle-ci et aux objets qu'il identifie à elle, aux souvenirs qui étaient les siens, aux choses qu'elle lui avait racontées sur son enfance.

Souvenez-vous du contexte : Mulligan veut employer l'argent, la finesse d'esprit et les idées de Stephen à son profit. Ceci surtout par égoïsme, mais non sans grandeur, dans la mesure où Mulligan veut utiliser Stephen pour son projet d'"helléniser" l'île, pour faire advenir un nouvel âge classique dans cette Irlande qui s'agite, à un moment crucial de son histoire. Plusieurs fois dans la journée, Stephen entendra parler d'un nouveau projet pour l'Irlande, des gens se tourneront vers lui pour discuter de l'avenir et du devenir artistique du pays. Où cela mènera-t-il Stephen ?

Retour en arrière, au sujet des pensées de Stephen pour sa mère, sur la manière de créer une scène. Dans ces fragments nets et frappants, vous voyez un Stephen Dedalus qui commence à déployer ses ailes (pour ainsi dire) et à nous faire la promesse de sa créativité.

23/08/2014

Télémaque (26)

us_comic_tel_0026_16.jpg

source : http://ulyssesseen.com

Nous suivons Stephen en "flashback" dans une scène qui s'est déroulée juste avant la mort de sa mère. J'aime comme nous passons dramatiquement de la lumineuse vastitude de la tour et de la mer - qui, comme le dit Mulligan, pardonne toutes les offenses - au sombre confinement de la maison familiale de Stephen.

Représenté ainsi, ce passage nécessite moins d'explications que dans le livre, car le format de la BD nous permet de recréer la scène telle qu'elle se joue dans la tête de Stephen - tout comme l'image précédente du fantôme de sa mère, ou de ce bon vieux Clive Kempthorpe (NDT : cf. Télémaque 19).

Ici, mes pensées ne s'éloignent pas de "Hamlet" et de "L'Odyssée". Mais à quoi ces spectres incitent-ils Stephen ? Il ne semble pas se sentir terriblement coupable de ne pas avoir prié au chevet de sa mère, et n'a pas l'air pressé de s'en repentir... son besoin le plus immédiat est peut-être de conserver vivace et précis le souvenir de ce qui lui est arrivé. Si vous êtes prêt à me suivre dans mon hypothèse que la pérégrination de Stephen dans ce roman vise à lui faire trouver le chemin de son développement en tant qu'artiste, il serait intéressant de voir ce qu'il fait de ces fantômes qui le hantent et l'empêchent d'avancer.